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  • Alain Jacobs

Ross Gregory Ronald Caldwell : travaux, recherches et découvertes sur les tarots.

(La version originale, en anglais, se trouve à la suite de la version en français.)

(The original version, in English, can be found following the French version.)



Alain Jacobs :


J’ai récemment adhéré à votre groupe Facebook « Tarot History » et lorsque j’ai vu que vous en étiez l’administrateur, j’ai réalisé que votre nom apparaissait régulièrement sur des forums, des blogs et dans des articles dédiés au tarot. Je me suis alors demandé qui vous étiez précisément et j’ai trouvé votre présentation sur le site web « LE TAROT Cultural Association ».

Comment vous présenteriez-vous à ceux qui ne vous connaissent pas et plus spécifiquement par rapport à votre intérêt du tarot ?


Ross Gregory Ronald Caldwell :


J'étudie l'histoire du Tarot depuis 2001. Avant cela, depuis 1979, mon expérience du Tarot était typique pour un occultiste anglophone, et je suis venu à l'étude historique avec beaucoup de ces préjugés. Ma formation universitaire en histoire m'a permis de surmonter systématiquement ces préjugés et de garder l'esprit ouvert. Quand je suis arrivé à l'étude, le modèle fondamental de Michael Dummett sur l'origine et le développement du jeu, publié en 1980, était relativement inchangé. À bien des égards, il l'est toujours, et les recherches des 22 dernières années n'ont fait que confirmer la plupart de son modèle. Mais au lieu d'ajouter des notes de bas de page à Dummett, nous avons maintenant pu ajouter un tout nouveau chapitre, peut-être un nouveau volume, avec la découverte du rôle de Florence, quelque chose dont il a vécu pour ne voir que les débuts. Si l'histoire du Tarot est comme un bâtiment dont Dummett a posé les fondations et construit les murs de soutènement avec des pièces intérieures, alors la situation actuelle est que la structure demeure, mais nous avons repensé les pièces intérieures et ajouté de nombreuses autres améliorations architecturales. La porte principale est également beaucoup plus élégante et distinctive, et le chemin qui y mène est droit et clair.


Il y est dit que vous avez été initié au tarot ésotérique en 1979. Qu’est-ce que cela veut dire exactement ?


J'ai toujours été attiré par l'étrange, le mystérieux et le choquant. Fantômes et hantises, monstres et robots, à la fois dans les livres et les films. En 1975, à l'âge de 9 ans, j'étais dans le Bigfoot, le monstre du Loch Ness, les ovnis. Aussi la science, en particulier l'astronomie et la paléontologie, et l'histoire, toutes périodes. J'allais toujours dans les deux sens, vers le futur et vers le passé. Intellect vorace, vraiment. Mais c'était l'étrange et le bizarre que j'aimais le plus, c'était ma bizarrerie. À l'été 1978, j'ai acheté un livre de poche dans la maison de mon oncle, "Le principe de Zarkon". Il est entré dans les anciens extraterrestres de Von Däniken, mais a également amené Aleister Crowley et le nazisme occulte. Le "principe" révélé à la fin était la théorie selon laquelle les humains pouvaient "vibrer" à une fréquence qui pourrait survivre au "Big Crunch", qu'une théorie cosmologique postulée à l'époque serait la fin de l'univers et le début d'un autre. Quoi qu'il en soit, cela m'a envoyé dans de nombreuses directions différentes cet hiver-là et m'a initié à l'occultisme. À l'automne 1979, j'ai pris "La Bible satanique" d'Anton LaVey et je l'ai lue en un seul après-midi. J'étais converti. C'était mon introduction à la magie. Le livre d'accompagnement, "Les rituels sataniques", a fourni une profondeur intellectuelle pour me défier pendant longtemps. Au même moment, à l'automne 79, ma tante, qui a remarqué mes intérêts occultes, m'a donné son tarot (un Rider Waite Smith). J'ai étudié le livret, assis, les jambes croisées sur le sol, brûlant de l'encens, perçant les significations des cartes dans mon esprit. Je n'ai pas pu tirer grand-chose de "La clé picturale du tarot", mais deux des livres d'Eden Gray m'ont ouvert aux significations des cartes. À cause des mystères de la Genèse et d'Ézéchiel (visite extraterrestre), j'ai aussi commencé à lire la Bible. Et à cause de mon besoin d'authenticité et de «l'original» de tout, je devais avoir les versions originales en hébreu et en grec, et en latin, pour faire bonne mesure. Ces langues sont aussi des agrafes occultes, donc toutes ces études s'emboîtent. Cet automne-là, j'ai aussi reçu un exemplaire du "Livre de Thoth" de Crowley, quelques-uns des "Joyaux de l'équinoxe" (Divination du Tarot et Libers E et O), et le Livre de la Loi. Aucun magasin n'avait les cartes, cependant. Je ne savais pas si elles existaient ou non, mais j'ai dessiné mes propres versions de beaucoup de cartes au printemps 1980. Finalement, une librairie a obtenu le jeu, et j'ai mis toute mon énergie à l'apprendre, et aussi à obtenir tous le Crowley que j'ai pu trouver. J'avais aussi l'Encyclopédie de Kaplan, qui m'a ouvert tout le monde du Tarot, et a implanté un intérêt pour l'histoire du Tarot. Le livre de Kaplan m'a dit que le Tarot était aussi un jeu de cartes, alors j'ai eu le "Penguin Book of Card Games" de David Parlett, qui était le seul livre de jeux de cartes qui avait un chapitre sur le Tarot.

Donc, pour résumer, mon initiation au Tarot a d'abord été Smith-Waite (elle mérite d'être la première à la fois par la priorité alphabétique et le fait que l'art est la chose la plus importante à propos du jeu), puis Crowley-Harris, de l'automne 1979 au printemps 1980, à l'âge de 13 ans, à Calgary, Alberta, Canada.


À propos de tarot ésotérique, j’ai découvert il y a peu qu’Arthur Edward Waite avait commandé un deuxième tarot (réalisé par Pippet et Trinick – 1917/1922).



Qu’en pensez-vous ?


J'ai vu des photos, mais je ne les ai jamais étudiées.



Un tarot du XVIIè siècle (Le tarot de Philippe Vachier – tarot “de Marseille “ de type I réalisé à Marseille en 1639), dans un excellent état de conservation, vient d’être découvert suite à sa mise en vente chez Drouot (pour 65.000 €).



Je le trouve très intéressant à plus d’un égard (voir questions suivantes).

N’est-ce pas là une découverte des plus inattendues ? Qu’apporte-t-elle, selon vous, aux connaissances que nous avons déjà sur les tarots de la même famille (ou du tarot, en général) ?


"N'est-ce pas une découverte des plus inattendues ?" Elle l'est, notamment parce qu'elle est complète (le jeu est complet), et en très bon état. Sa date précoce n'est cependant pas inattendue. Nous pensons que le modèle des Atouts du Tarot " de Marseille " de type 1 existait dès la seconde moitié des années 1500.

"Que pensez-vous que cela apporte aux connaissances que nous avons déjà sur les tarots de la même famille (ou sur le tarot, en général) ?" Je pense que les cartes en elles-mêmes n'apportent pas beaucoup de nouvelles connaissances ; c'est un tarot de type 1 très standard. Ce qu'elle (la découverte) nous a le plus apporté, c'est Philippe Vachier (Felip Vachie), un cartier que nous ne connaissions pas auparavant, mais sur qui il était possible d'en trouver beaucoup une fois qu'on savait où chercher.



Je le trouve très intéressant, déjà parce qu’il invite à la prudence lorsque l’on parle du tarot. On s’empresse trop facilement pour dire « voici le plus ancien », en oubliant de préciser « le plus ancien… connu… conservé, ou non ». Par exemple, sa découverte remet à l’honneur l’énigmatique tarot de Nicolas Rolichon dont on ne conserve trace que dans un dictionnaire et un acte de vente ; c’est ce dernier qui est « le plus ancien tarot dit de Marseille connu mais non conservé » (si ce n’est, hypothétiquement, quelque part, dans un coffre, chez un particulier), le tarot de Philippe Vachier étant « le plus ancien tarot de Marseille connu et conservé ». Un autre serait découvert que la donne changerait…


Je ne vois pas de question ici, mais je suppose qu'il s'agit de Nicolas Rolichon. Vous avez raison, son Tarot serait antérieur à celui de Vachier, mais il manque le jeu. Nous n'avons que le dessin au trait copié dans l'article de Larousse de 1919 et la preuve antérieure qu'il a été vendu aux enchères à la fin du XIXe siècle.



J’y ai également remarqué des “ détails” que je pensais propres au tarot de Jean Dodal, alors qu’ils sont présents sur des tarots similaires et antérieurs (comme la main cachée dans le squelette de la carte de La Mort). Selon vous, ces détails sont-ils significatifs ou une simple projection de mon esprit ?


C'est délavé, mais je vois au moins quatre mains, et une tête aussi. Où voyez-vous une cinquième main cachée ?


Tarot de Jean Dodal (Lyon 1701/1715) - Tarot de Nicolas Roclichon (Lyon 1620/1637)


Il y a un débat sur son étonnante ressemblance avec le tarot de Jean Payen (Avignon / 1743). Qu’en pensez-vous ? Auraient-ils pû être imprimés d’après les mêmes bois ou n’y a-t-il qu’un phénomène de copie ou de conformité selon les ateliers de fabrication de l’époque ?


Je n'ai pas comparé les tarots Payen (1713 et 1743) avec celui de Vachier, mais d'après ce que ceux qui l'ont fait ont présenté, certaines des cartes doivent avoir été imprimées à partir des mêmes gravures sur bois. C'est ainsi que les Payens, originaires de Marseille, sont entrés en possession des plaques d'impression de Vachier.


Tarot de Jean Payen (Avignon, 1743) - Crédit image : Museo Fournier de Naipes de Álava


Tarot de Philippe Vachier (Marseille, 1639) - Crédit photo Isabelle Nadolny (chez Drouot)


Pour les tarots dits “ de Marseille “, le type 1 a-t-il précédé le type 2 ou ont-ils pû être concomitans ?


À l'exception de l'étrange cas du 2 de deniers "1672" de Chosson, tous les styles de Tarot de Marseille survivants du 17ème siècle sont de Type 1, il semble donc que le Type 1 ait précédé le Type 2 d'au moins un siècle.


Il est dit que le style « de Marseille » découle (ou appartient ?) du type C (Milan - selon ceux répertoriés par Sir Michael Dummett). Qu’est-ce qui permet de dire cela ? Y-a-t-il un jeu ancien auquel on pourrait le rattacher pour dire cela ?


"Appartient à" la famille d'ordres C : "C" était le terme de Dummett pour une famille d'atouts connus de Pavie, Milan et Mondovi au 16ème siècle. Le trait distinctif de cette famille d'ordres est la position de tempérance, immédiatement après la mort. C partage avec B (Ferrare et l'est de l'Italie) le classement du Monde au-dessus de l'Ange (Jugement), mais seuls les ordres C ont la Tempérance dans cette position, et toutes les preuves en sont issues de la Lombardie et du reste de l'Europe de l'ouest et au nord de celle-ci. Dummett pensait que cela signifiait que l'ordre C avait été inventé et utilisé à Milan, et qu'il était allé en France avec les invasions françaises de l'Italie à partir de 1494. Je pense que c'est faux, et que la situation est précisément opposée : Milan et la Lombardie ont utilisé l'ordre A jusqu'à ce que les cartes françaises, fabriquées massivement à Lyon, commencent à arriver en Lombardie après 1499. C'est-à-dire que la famille des ordres C, qui comprend également le tarot de Jacques Viéville, a été inventée en France. La « France » comprend ici le territoire papal d'Avignon, bien qu'il ne soit pas sous la couronne française à cette époque.


Sir Michael Dummett (1925/2011)


J’en suis venu à me demander si le tarot dit « de Marseille » n’était pas une illustration maladroite, voire erronée, des tarots plus anciens ?

Par exemple, avec les (apparentes) erreurs de traduction en français du nom des cartes, à l’origine en italien (comme la carte nommée en italien « la casa del fuoco ou del diavolo « (la maison du feu ou du diable) devient, en français, « la maison dieu » ; ou peut-on imaginer que ces changements sont intentionnels ?


Je ne sais pas pour "erroné". Nous pouvons seulement dire que quelque chose est une erreur en le comparant au modèle qu'il copie. Si les dessins sont complètement nouveaux, il s'agit alors d'une réimagerie du sens plutôt que d'une interprétation erronée. Il en est de même pour les ordres. Par exemple, la tempérance est une vertu utile dans la vie, pour modérer l'appétit concupiscible, le simple désir. Il n'a aucune utilité après la mort, mais c'est là qu'il se trouve dans les ordres C. Alors, celui qui l'a mis là a décidé que la Tempérance devait avoir une autre signification, peut-être celle d'ange gardien, comme elle apparaît parfois avec des ailes. Il en va de même pour le placement de Justice de l'ordre B-Ferrara entre l'Ange et le Monde. Là encore, la Vertu Cardinale est une vertu de vivre, de relation aux autres. Après la mort, nous ne prenons pas de décisions, le destin de l'âme est scellé. Mais celui qui a conçu l'ordre B a pris Justice pour signifier autre chose; dans ce cas, je pense que cela signifie le Jugement Dernier général, après la Résurrection. L'inventeur de l'ordre B devait donc être un théologien soucieux de la morale chrétienne de son auditoire (il a aussi mis la Tempérance entre le Pape et l'Amour, ce qui me semble vouloir mettre de la distance entre le Pape et l'appétit concupiscible ou désir sexuel, pour ne pas faire scandale). Étant donné que la production du Tarot dans les possessions ferraraises a été étroitement liée à la famille Este pendant toute la durée de son existence, jusqu'à la fin du XVIe siècle, je pense que la personne qui a conçu l'ordre B pourrait bien être Don Domenico Messore, un aumônier à la cour qui a fait des Tarots pour la famille 1(452-1454) au moins.

Quant aux erreurs de traduction, j'ai tendance à penser qu'elles étaient intentionnelles. Viéville a compris "la foudre" dans le sens italien, "saetta", il ne semble donc y avoir aucune raison pour que les titres des Tarots de Marseille soient autre chose que des noms délibérés. Les concepteurs de Tarots "de Mareille se sont concentrés sur l'image de la tour, alors que pour les Italiens c'était le feu.



Par extension, les illustrations sont-elles savamment pensées pour représenter la même symbolique, même de différente manière. ? Par exemple, La Lune, représentée tantôt dans le tarot de Jacques Viéville, tantôt dans le tarot d’Este, tantôt dans le tarot Colleoni ou tantôt dans le tarot de Jean Noblet, ne représente que la lune. Comme on peut le voir dans des jeux d’aujourd’hui où chaque artiste va illustrer une lune à sa manière, avec ou sans intention particulière ?


Je suppose que chaque artiste doit avoir une intention, de sorte que la scène sous la Lune se rapporte d'une manière ou d'une autre au thème de la Lune. La partie essentielle est la Lune, le reste est comme l'artiste le veut. Pour moi, la carte originale montrait deux astrologues/astronomes, comme dans le tarot dit de Charles VI et la feuille Beaux-Arts-Rothschild, et dans le jeu bolognais encore. Puisque je pense qu'il se réfère à l'interprétation des signes dans le ciel, alors les astronomes sont plus appropriés que les chiens hurlant ou une écrevisse, qui ne font qu'évoquer des scènes de clair de lune.




Dans « Un traité de la déification des seize héros », vous présentez, traduisez et commentez (avec Marco Ponzi) ce que l’on appelle un « proto-tarot » (conçu, à la demande du Duc de Milan, Filippo Maria Visconti, par son secrétaire, Marziano Rampini di Sant’Alosio ou Marziano da Tortana et illustré par Michelino da Besozzo ou Michelino dei Molinari aux alentours de 1412/1425).



On peut également y voir des images proposées par Robert Place qui a tenté de reconstituer ce à quoi le jeu pouvait initialement ressembler, d’après le texte.

Avons-nous vraiment là l’ancêtre du tarot, tel qu’il apparait peu après ? Ai-je bien compris le fait qu’il enlève au tarot la primauté d’une série d’atouts permanents et que cette série d’atouts, structurée, comporte déjà cette idée d’ascension et de supériorité, les uns par rapport aux autres ?


Thierry Depaulis a inventé le terme "proto-Tarot", car il est le plus ancien à avoir une série d'atouts permanents. De plus, elles sont complètement différentes, en nombre et en symbolisme, des cartes de couleur. Je pense que Marziano a inventé cette idée, et il explique comment cela s'est passé, presque comme un sous-produit de sa conception. Il a d'abord créé un schéma moral en quatre parties, puis il a divisé chaque partie en deux, une partie allant aux couleurs (les 4 couleurs du jeu), l'autre allant à quatre héros divinisés, des «dieux». Puis, pour jouer le jeu, il place les dieux dans un ordre linéaire strict, où 1 est le plus haut, Jupiter, et 16 le plus bas, Cupidon. Cette hiérarchie, pour le jeu, est la création de l'idée d'une séquence d'atouts.

Dans le cas de Marziano, la séquence des dieux dans une hiérarchie linéaire stricte n'a pas de sens isolément. Autrement dit, après Jupiter et Junon, il n'y a aucune raison pour que Minerve soit troisième et Vénus quatrième. Il n'y a aucune raison symbolique pour que Mercure, 9, triomphe sur Mars, 10, etc. Pour comprendre pourquoi ils sont classés comme ils le sont, il faut connaître le processus de création du jeu : d'abord vint l'architecture morale, le message et le sens du symbolisme; puis vient l'aspect purement ludique, la séquence hiérarchique numérotée.

Au Tarot, la relation entre le message moral et la séquence hiérarchique linéaire est plus étroitement liée au symbolisme, car les cartes ne portaient pas de numéros. Les symboles représentaient leur position dans la hiérarchie, il devait donc y avoir une idée de la raison pour laquelle les cartes allaient dans cet ordre par leur seule signification symbolique. Ce sens est assez clair dans toutes sortes d'ordres : les rangs humains, puis le combat de la vertu, puis le destin et les choses divines. C'est une hiérarchie ascendante du monde ordinaire à la fin des temps.

Je crois que les concepteurs d'atouts du Tarot ont utilisé la méthode de Marziano, qui est d'abord un objectif moral, puis la hiérarchie numérique pour le jeu. C'est-à-dire qu'il existe une architecture morale et une relation entre les atouts qui se distinguent de la séquence numérique. La numérotation est juste superposée dessus, ce qui obscurcit certaines de ces relations, en particulier en fonction de l'ordre des atouts que l'interprète pense être l'intention du concepteur.



Maintenant que j’ai découvert l’existence du jeu de Marziano, et ayant passé rapidement en revue les plus anciens tarots connus, je me suis interrogé sur le fameux Sola Busca. Je me suis demandé comment l’aborder et le comprendre. Est-ce que ce jeu aurait pu passer pour “fantaisite” comparativement aux autres tarots (dont il s’éloigne dans le représentation des Atouts), ou tient-il du même procédé (que les tarots dont il diffère) et est tout aussi original que ces derniers pour avoir représenté ces Atouts selon le goût du créateur ou du commanditaire du jeu ? Je me suis également demandé si il ne participait pas du même esprit que le jeu de Marziano, avec une série d’Atouts (peu importe sa figuration) mais avec également une progression dans ces Atouts, et une visée éducative et/ou ludique, tout simplement ?


Je ne crois pas que quiconque ait encore compris la signification ou le but du Sola Busca. Je pense qu'il est raisonnable de penser qu'il a un plan cohérent, mais si les clés pour le comprendre se trouvent dans la structure, les noms et les images du jeu lui-même, personne ne les a trouvées. Du moins, à mon avis. Ni l'alchimie ni un culte saturnien secret ne m'ont convaincu. Il me semble qu'il devait y avoir une composition littéraire qui l'expliquerait. Quand on regarde les œuvres étranges de Ludovico Lazzarelli ou l'Hypnerotomachia de Colonna, il est possible d'imaginer qu'une œuvre inconnue l'expliquerait. Peut-être n'a-t-elle pas encore été trouvée, ou peut-être est-elle vraiment perdue à jamais. Néanmoins, il vaut la peine d'étudier le Sola Busca, peut-être s'ouvrira-t-il comme une fleur un jour grâce à une touche appropriée ou à une découverte fortuite. Marziano a créé sa séquence des atouts en deux étapes. La première était les quatre catégories morales, une conception purement symbolique. Chaque catégorie morale comportait deux parties : quatre héros divinisés, des dieux, et une séquence de couleur semblable à celle des cartes normales, qu'il a remplacée par des oiseaux symboliques. La prochaine étape a consisté à ordonner les 16 dieux dans une hiérarchie linéaire, de Jove numéro 1 à Cupidon numéro 16. Ce deuxième mouvement était l'invention de l'idée d'une séquence des atouts. Mais l'ordre hiérarchique de Jove, Junon, Minerve, Vénus, Apollon, Neptune, Diane, Bacchus, Mercure, Mars, Vesta, Cérès, Hercule, Éole, Daphné, Cupidon n'a pas de logique intuitive. Après Jupiter et Junon, qui devraient naturellement se trouver en haut, il n'est pas clair pourquoi les autres devraient suivre. Ce n'est pas une séquence moralement intuitive. C'est un sous-produit de la superposition linéaire de 1 à 16 dans un but de jeu. En revanche, l'ordre des atouts du tarot suit une logique symbolique dans la hiérarchie. De bas en haut, c'est raisonnablement clair. C'est parce qu'il n'y avait pas de nombres sur les atouts, donc les joueurs devaient comprendre le rang uniquement par l'iconographie et les sujets eux-mêmes. Nous pouvons supposer que, comme Marziano, les créateurs de la séquence des atouts ont d'abord imaginé le programme moral, puis ont choisi les sujets symboliques qui s'y adaptaient. Mais, différemment de Marziano, ils l'ont également créée en gardant strictement le jeu à l'esprit, de sorte que l'ordre des atouts devait avoir un sens en lui-même, les joueurs devaient pouvoir comprendre qui l'emportait sur qui. Le tarot était un raffinement de l'idée de la séquence des atouts. Lorsque la Minchiate a été inventée, ils ont dû remettre des nombres sur la plupart des cartes, car la logique des cartes supplémentaires n'était pas intuitive. Tout comme les atouts du Sola Busca, qui n'ont également aucun ordre logique évident dans leurs sujets. Ainsi, les atouts du tarot sont uniques en tant que séquence iconographique plus ou moins auto-explicative ou autosuffisante. Cela est confirmé par la stabilité de l'ordre des atouts dans les trois principales "familles" d'ordres. À l'exception des trois vertus morales, les regroupements et l'ordre des sujets restent essentiellement intacts partout. Il semble que tout le monde l'ait compris intuitivement pendant les années formatives où les joueurs ont établi un ordre des atouts qui est devenu dominant dans une région particulière.




Dans “ con gli occhi et con l’intelletto “, vous présentez (avec Marco Ponzi et Thierry Depaulis), et pour la première fois, une traduction, en Anglais, de deux textes du XVIè siècle dans lesquels deux auteurs (Francesco Piscina et un auteur anonyme) donnent leur interprétation du tarot.



Mais il ne s’agit que de leur point de vue, rien d’officiel ; alors, en quoi leur point de vue nous est-il utile et nous renseigne-t-il sur le tarot ?


Les deux auteurs du XVIe siècle ont été les premiers à écrire des interprétations systématiques et approfondies du Tarot. Ils écrivaient indépendamment les uns des autres, avec des jeux différents, éloignés géographiquement mais très proches dans le temps. Francesco Piscina a écrit en 1565 à Mondovì, en utilisant un jeu piémontais, qui a l'imagerie C et la numérotation des atouts, comme le font encore les jeux piémontais, mais en jeu suit l'ordre bolognais A des atouts, avec L'Ange / Le Jugement, l'atout le plus élevé (bien que numéroté XX, alors que le Monde est XXI), et où les papes et les empereurs sont égaux (si deux ou plus sont joués à un tour sans atout supérieur, le dernier "papot" gagne). L'auteur anonyme a écrit peu après 1562, peut-être de Pesaro, en utilisant l'ordre B des atouts. Les deux auteurs interprètent l'ensemble du jeu de cartes, moralisant le sens des couleurs et des atouts. Les deux auteurs interprètent également la séquence d'atout comme des leçons pour vivre une vie morale et, après la mort, ouvrir le chemin du ciel pour contempler la gloire de Dieu.

Les deux descriptions nous donnent d'ailleurs un aperçu des règles du jeu dans leurs régions respectives.

Je me demande en quoi il est utile de décrire ces interprétations comme "rien d'officiel". Qui serait en mesure de donner l'interprétation « officielle » du Tarot, sinon les inventeurs eux-mêmes et, à des degrés divers, leurs amis et contemporains ?

Nous n'avons aucune raison de penser que nous trouverons les notes ou le guide des inventeurs, comme nous l'avons fait pour Marziano, donc pour le Tarot, nous avons la chance d'avoir les essais de 125 ans après l'invention du jeu, par des auteurs dont l'état d'esprit différait beaucoup moins de celle de 1440 que la nôtre des deux. Dummett pensait qu'aucune des deux interprétations n'était plausible en tant que sens original de la séquence d'atout, mais je pense que c'est un rejet trop facile. Le sens moral original devait être similaire, même si certaines images et leur place dans la séquence doivent être expliquées plus précisément dans leur contexte, comme le Chariot, le Traître, la Foudre et le Monde.

Il y a trop de choses dans ces deux petits « discours » pour les résumer brièvement, donc ma recommandation est simplement de les lire et de les relire.


Suite aux dernières recherches et au concours de divers spécialistes de divers horizons, il a été proposé que “ le plus ancien tarot connu et (partiellement) conservé “ est, aujourd’hui (pour le moment), le tarot dit de Rotschild ; cartes conservées au musée du Louvre.

Nous n’en conservons que huit cartes, mais je trouve leur style différent des “ plus anciens tarots connus et conservés “ qui suivent, dont le magnifique tarot Visconti di Modrone. Que pourriez-vous nous dire de plus à ce sujet ?


Le style des cartes Rothschild est propre à l'artiste, qui est soit Giovanni dal Ponte (décédé avant mars 1438) soit un imitateur. Cela les rend florentins, même si d'autres indications n'étaient pas présentes. Mais les bordures SSS en spirale, que ces cartes partagent avec les jeux Charles VI, Catane et Turin, sont la véritable « signature » ​​de la provenance florentine. Il n'est pas surprenant qu'il diffère des productions de l'atelier Bembo Visconti, puisque les Bembo et les peintres florentins ont des styles complètement différents. Visconti di Modrone et Brambilla devaient être beaucoup plus chers que toutes les cartes florentines que nous avons. En termes de représentation des sujets, cela aussi est caractéristique des jeux sur mesure, où l'acheteur doit avoir eu quelques idées de ce qu'il voulait montrer, bien que cela reste toujours les sujets standard. À Catane, par exemple, il y a une représentation très inhabituelle de Tempérance, et dans le jeu Ercole d'Este, la vignette sous le Soleil montre Diogène et Alexandre, qu'aucun autre style de jeu que le Ferrarese ne montre. Visconti di Modrone était une extension grandiose du tarot standard, avec deux cartes de cour féminines supplémentaires dans chaque couleur et trois atouts supplémentaires, l'ensemble des vertus théologiques. À mon avis, il y avait 89 cartes, et je pense que c'est le plus grand jeu au sens physique jamais conçu pour le jeu.




Tempérance ("Cavalier de Cerf") du tarot dit "Allessandro Sforza" (1450/1460), conservé au Museo Civico di Castello Ursino de Catane :

"Nous pensons que l'artiste du service de Catane est Lo Scheggia, "l'Écharde" (Giovanni di Ser Giovanni, 1406-1486, frère cadet de Masaccio), qui a également peint ce couvercle de cassonnette intérieure.

L'image semble dépeindre "refroidir les feux du désir", ce qui est une façon de décrire le but de Temperance.

Il pourrait aussi s'agir de Diane, déesse vierge, mais s'il y avait un croissant lunaire sur son front pour l'identifier, il est usé."

(Notes de Ross Caldwell)


Sait-on finalement si le tarot est passé de la rue à la Cour ou s’il est passé de la Cour à la rue ?


Je ne dirais pas que nous "savons", mais je pense que "de la rue à la cour" a un argument beaucoup plus fort, et c'est mon opinion. Mais les deux se sont effectivement produits en même temps. À mon avis, les personnes qui ont créé le jeu étaient des peintres et des artisans de Florence, avec la contribution d'autres professionnels et intellectuels, et ils l'ont conçu, fabriqué un prototype, joué et testé, jusqu'à ce qu'il soit assez bon pour en faire une version pour impression et vente. Il ne fallut pas longtemps avant que les clients riches ne veuillent des versions personnalisées pour eux-mêmes, alors les mêmes peintres ont travaillé sur celles-ci. Nous savons qu'une version de luxe a déjà été fabriquée en septembre 1440, et je pense que c'est une preuve indirecte de son passage de la rue (de Florence) à la cour (Sigismondo Malatesta à Rimini), car le terme "naibi a trionfi" indique quelque chose commun.


Beaucoup s’évertuent encore à dire que l’histoire du tarot est lointaine, obscure et inconnue, mais je ne suis pas d’accord. Je la trouve mieux renseignée qu’on ne l’imagine. Pour le découvrir, je recommanderais sans réserve la catalogue de la dernière exposition qui s’est tenue au Musée Français de la Carte à Jouer (Issy-les-Moulineaux – fin 2021, début 2022) “ Tarots enluminés, chefs-d’oeuvre de la renaissance Italienne “.

Et vous ?


Oui absolument ! Nous en savons plus sur l'histoire du Tarot que sur la plupart des jeux de cartes de cette période. Les cartes riches ont survécu parce qu'elles étaient précieuses et protégées, tandis que les cartes communes ont été jetées lorsque le jeu a été endommagé. C'est ainsi qu'on traite normalement les cartes, quand ce ne sont pas de grandes œuvres d'art miniatures.



English version


Ross Gregory Ronald Caldwell :

work, research and discoveries about tarot.



Alain Jacobs :


I recently joined your Facebook group "Tarot History" and when I saw that you were the administrator, I realized that your name appeared regularly on forums, blogs and in articles dedicated to tarot. I then wondered who you were exactly and I found your presentation on the website “LE TAROT Cultural Association”.

How would you present yourself to those who don't know you and more specifically in relation to your interest in tarot?


Ross Gregory Ronald Caldwell :


I have been studying Tarot history since 2001. Prior to that, since 1979, my experience of Tarot was typical for an anglophone occultist, and I came to the historical study with many of those biases. My academic training in history allowed me to systematically overcome those biases and keep an open mind. When I came to the study, Michael Dummett's foundational model of the origin and development of the game, published in 1980, was relatively unchanged. In most respects, it still is, and research of the past 22 years has only confirmed most his model. But instead of adding footnotes to Dummett, now we have been able to add a whole new chapter, perhaps a new volume, with the discovery of Florence's role, something he lived to see only the beginnings of. If Tarot history is like a building of which Dummett laid the foundation and built the supporting walls with inner rooms, then the situation now is that the structure remains, but we have redesigned the inside rooms and added many more architectural refinements. The main doorway is also much more elegant and distinctive, and the path leading up to it is straight and clear.


It says that you were initiated into the esoteric tarot in 1979. What does that mean exactly?


I was always attracted to the weird, mysterious, and shocking. Ghosts and hauntings, monsters and robots, both in books and movies. By 1975, aged 9, I was into Bigfoot, Loch Ness Monster, UFOs. Also science, especially astronomy and paleontology, and history, all periods. I was always going in both directions, into the future, and into the past. Voracious intellect, really. But it was the strange and bizarre that I liked the most, that was my quirk. In the summer of 1978 I picked up a paperback book in my uncle's house, “The Zarkon Principle.” It went into Von Däniken ancient aliens stuff, but also brought in Aleister Crowley and occult Nazism. The “principle” revealed at the end was the theory that humans could “vibrate” in a frequency that could survive the “Big Crunch,” that one cosmological theory postulated at the time would be the end of the universe and the beginning of another. Anyway, it sent me off into a lot of different directions that winter, and introduced me to the occult. In the fall of 1979 I picked up Anton LaVey's “The Satanic Bible”, and read it in a single afternoon. I was converted. It was my introduction to magic. The companion book, “The Satanic Rituals,” provided intellectual depth to challenge me for a long time. At the same time, autumn '79, my aunt, who noticed my occult interests, gave me her yellow box Rider Waite Tarot. I studied the little white book while sitting cross-legged on the floor, burning incense, drilling the card meanings into my mind. I couldn't get much out of “The Pictorial Key to the Tarot,” but two of Eden Gray's books opened up the cards to me. Because of the mysteries of Genesis and Ezekiel (alien visitation), I also started reading the Bible. And because of my need for authenticity and “the original” of everything, I had to have the Hebrew and Greek original versions, and Latin, for good measure. These languages are occult staples too, so all of these studies fit together. That fall I also got a copy of Crowley's “Book of Thoth,” some of the “Gems from the Equinox” (Tarot Divination and Libers E and O), and the Book of the Law. No store had the cards, though. I didn't know if they existed or not, but I drew my own versions of many of the cards during the spring of 1980. Finally some bookstore got the deck, and I put all of my energy into learning it, and also getting all the Crowley I could find. I also had Kaplan's Encyclopedia, which opened up the whole world of Tarot to me, and implanted an interest in Tarot history. Kaplan's book told me that Tarot was also a card game, so I got David Parlett's “Penguin Book of Card Games”, which was the only card game book that had a chapter on Tarot.

So, to sum up, my initiation into Tarot was first Smith-Waite (she deserves to be first both by alphabetic precedence and the fact that the art is the most important thing about the deck), then Crowley-Harris, fall 1979 through spring 1980, at the age of 13, in Calgary, Alberta, Canada.


Speaking of esoteric tarot, I recently discovered that Arthur Edward Waite had commissioned a second tarot (realized by Pippet and Trinick – 1917/1922).



What do you think about it?


I have seen the pictures, but I have never studied it.



A 17th century tarot [Philippe Vachier (Felip Vachie) – tarot “of Marseille” type 1, made in Marseille in 1639], in an excellent state of preservation, has just been discovered following its sale at Drouot (65,000 €).



I find it very interesting in more than one respect (see following questions).

Isn't that a most unexpected discovery? What do you think it brings to the knowledge we already have about the tarots of the same family (or about tarot, in general)?


“Isn't that a most unexpected discovery?” It is, especially because it is complete, and in very good condition. Its early date is not unexpected, though. We think that the Tarot “de Marseille” type 1 trump pattern existed from as early as the second half of the 1500s.

“What do you think it brings to the knowledge we already have about thet tarots of the same family (or about tarot, in general)?” I think the cards themselves don't bring much new knowledge; it is a very standard Type 1 deck. What it brought us most is Philippe Vachier, a cardmaker we had not known before, but about whom it was possible to find a lot once it was known where to look.



I find it very interesting, already because it calls for caution when talking about the tarot. We hasten too easily to say “here is the oldest”, forgetting to specify “the oldest… known… preserved, or not”. For example, his discovery brings back to the spotlight the enigmatic tarot of Nicolas Rolichon, of which we only keep track in a dictionary and a deed of sale; it is the latter which is "the oldest so-called Marseilles tarot known but not preserved" (except, hypothetically, somewhere, in a chest, in a private home), Philippe Vachier's tarot being "the most ancient known and preserved Tarot of Marseilles”. Another would be discovered that the deal would change…


No question, but I assume it is about Nicolas Rolichon. You have the facts right, his Tarot would be earlier than Vachier's, but the deck is missing. We have only the copied line art in the 1919 Larousse article, and the earlier evidence that it was sold at auction in the late 19th century.



I also noticed “details” that I thought were specific to the tarot of Jean Dodal, whereas they are present on similar and earlier tarots (like the hand hidden in the skeleton of the Death card). Do you think these details are significant or just a projection of my mind?


It's faded, but I see at least four hands, and a head as well. Where do you see a hidden fifth hand?


Tarot of Jean Dodal (Lyon 1701/1715) - Tarot of Nicolas Roclichon (Lyon 1620/1637)


There is some debate about its astonishing resemblance to Jean Payen's tarot (Avignon / 1743). What do you think ? Could they have been printed from the same woods or is there only a phenomenon of copying or conformity according to the manufacturing workshops of the time?


I haven't compared Payen (both 1713 and 1743) with Vachier, but from what those who have done so have presented, some of the cards must have been printed from the same woodcuts. So it must be that the Payens, originally from Marseille, came into possession of Vachier's printing plates.


Jean Payen's tarot (Avignon, 1743) - Image credit: Museo Fournier de Naipes de Álava


Philippe Vachier's tarot (Marseille, 1639) - Photo credit Isabelle Nadolny (at Drouot)


For the so-called “Marseilles” tarots, did type 1 precede type 2 or could they have been concomitant?


Except for the strange case of Chosson's “1672” 2 de deniers, all of the surviving Tarot de Marseille style from the 17th century are Type 1, so it seems that Type 1 preceded Type 2 by at least a century.


The "Marseille" style is said to derive from (or belong to?) Type C (Milan - according to those listed by Sir Michael Dummett). What makes it possible to say this? Is there an ancient game to which we could relate him to say that?


“Belongs to” the C family of orders. “C” was Dummett's term for a family of trump orderings known from Pavia, Milan, and Mondovi in the 16th century. The distinguishing feature of this family of orders is the position of Temperance, immediately following Death. C shares with B (Ferrara and the east of Italy) the ranking of the World above the Angel (Judgment), but only C orders have Temperance in this position, and all of the evidence for it comes from Lombardy and the rest of Europe west and north of it. Dummett believed that this means that the C order was invented and used in Milan, and went to France with the French invasions of Italy beginning in 1494. I think this is wrong, and that the situation is precisely opposite: Milan and Lombardy used the A order until French cards, made massively in Lyon, began coming into Lombardy after 1499. That is, the C family of orders, which includes Viéville's tarot as well, was invented in France. “France” here includes the papal territory of Avignon, although not under the French crown at this time.


Sir Michael Dummett (1925/2011)


I came to wonder if the so-called "Marseille" tarot was not a clumsy, even erroneous illustration of the older tarots?

For example, with the (apparent) translation errors in French of the name of the cards, originally in Italian (such as the card named in Italian "la casa del fuoco" or "del diavolo" ("the house of fire" or "of the devil") becomes , in French, “la maison dieu”; or can we imagine that these changes are intentional?


I don't know about “erroneous.” We can only say something is a mistake when comparing it to the model it is copying. If the designs are completely new, then it is a reimaging of the meaning rather than a mistaken interpretation. This is the same for the orderings. For instance, Temperance is a virtue useful in life, for moderating the conscupiscible appetite, simple desire. It has no use after death, but that is where it is in the C orders. So, whoever put it there decided that Temperance should have another signification, perhaps that of guardian angel, as she sometimes appears with wings. The same goes for B-Ferrara's placement of Justice between the Angel and the World. Here again the Cardinal Virtue is a virtue for living, for how we relate to others. After death, we don't get to make decisions, the soul's fate is sealed. But whoever designed the B order took Justice to mean something else; in this case, I think it means the general Last Judgment, after the Resurrection. So the inventor of the B order must have been a theologian who was concerned for his audience's Christian morals (he also put Temperance between the Pope and Love, which seems to me to be trying to put some distance between the Pope and the concupiscible appetite or sexual desire, so as not to cause scandal). Since the production of Tarot in Ferrarese possessions was closely related to the Este family for the entire duration of its existence, until the late 16th century, I think the person who designed the B order could well be Don Domenico Messore, a chaplain in the court who made Tarots for the family (1452-1454) at least.

As for the mistranslations, I tend to think they were intentional. Viéville understood “la foudre” in the Italian sense, “saetta”, so there seems to be no reason why the TdM titles should be anything but deliberate names. The TdM designers focused on the image of the tower, while for Italians it was the fire.



By extension, are the illustrations skilfully designed to represent the same symbolism, even in different ways ? For example, The Moon, represented sometimes in the Jacques Viéville tarot, sometimes in the Este tarot, sometimes in the Colleoni tarot or sometimes in Jean Noblet's tarot, even in different ways, represents only the moon. As we can see in today's games where each artist will illustrate a moon in his own way, with or without any particular intention?


I suppose every artist must have intention, so that the scene under the Moon somehow relates to the theme of the Moon. The essential part is the Moon, the rest is however the artist wants it. For me, the original card showed two astrologers/astronomers, as in Charles VI and the Beaux-Arts-Rothschild sheet, and in the Bolognese game still. Since I think that it refers to interpreting signs in the heavens, then astronomers are more appropriate than dogs howling or a crayfish, which are merely evoking moonlight scenes.




In “A treatise on the deification of the sixteen heroes”, you present, translate and comment (with Marco Ponzi) on what is called a “proto-tarot” (designed, at the request of the Duke of Milan, Filippo Maria Visconti, by his secretary, Marziano Rampini di Sant'Alosio or Marziano da Tortana and illustrated by Michelino da Besozzo or Michelino dei Molinari around 1412/1425).



We can also see images proposed by Robert Place who tried to reconstruct what the game could initially look like, according to the text.

Do we really have here the ancestor of the tarot, as it appears shortly after? Have I correctly understood the fact that he removes from the tarot the primacy of a series of permanent trumps and that this series of structured trumps already includes this idea of ​​ascension and superiority, one over the other?


Thierry Depaulis coined the term “proto-Tarot,” because it is the earliest to have a series of permanent trump cards. Moreover, they are completely different, in number and symbolism, from the suit cards. I think that Marziano invented this idea, and he explains how it happened, almost as a by-product of his design. First he created a moral scheme in four parts, then he divided each part into two, with one part going to the suit, the other going to four divinized heroes, “gods.” Then, in order to play the game, he puts the gods into a strict linear order, where 1 is the highest, Jupiter, and 16 the lowest, Cupid. This hierarchy, for play, is the creation of the idea of a trump sequence.

In Marziano's case, the sequence of gods in strict linear hierarchy does not make sense in isolation. That is, after Jove and Juno, there is no reason why Minerva should be third, and Venus fourth. There is no symbolic reason why Mercury, 9, should triumph over Mars, 10, etc. To understand why they are ranked as they are, you have to know the process of creating the game: first came the moral architecture, the message and meaning of the symbolism; then came the purely ludic aspect, the numbered hierarchical sequence.

In Tarot, the relationship between the moral message and the linear hierarchical sequence is more closely related to the symbolism, because the cards did not bear numbers. The symbols stood for their position in the hierarchy, so there had to be some sense of why the cards went in that order by their symbolic meaning alone. That meaning is fairly clear in every kind of order: human ranks, then the battle of virtue, then fate and divine things. It is an ascending hierarchy from the mundane world to the end of time.

I believe that the Tarot trump designers used Marziano's method, though, which is a moral purpose first then the numerical hierarchy for play. That is, there is a moral architecture and a relationship among the trumps that stands apart from the numerical sequence. The numbering is just overlaid on it, which obscures some of those relationships, especially depending on the order of trumps the interpreter thinks is the designer's intention.



Now that I have discovered the existence of Marziano's deck, and having quickly reviewed the oldest known tarot cards, I wondered about the famous Sola Busca. I wondered how to approach it and understand it. Could this deck have passed for "fantasy" compared to the other tarots (from which it moves away in the representation of the Trumps), or does it hold the same process (as the tarots from which it differs) and is just as original that the latter for having represented these Assets according to the taste of the creator or the sponsor of the game? I also wondered if it did not participate in the same spirit as Marziano's game, with a series of Trumps (regardless of its figuration) but also with a progression in these Trumps, and an educational and/or playful aim, quite simply ?


I don't believe that anyone has understood Sola Busca's meaning or purpose yet. I think it is reasonable to think that it has a coherent plan, but if the keys to understand it are in the structure, names, and imagery of the deck itself, no one has found it. Not in my judgment, in any case. Neither appeals to alchemy, or a secret Saturnian cult, have convinced me.

It seems to me that there must have been a literary composition that would explain it. When you look at the strange works of Ludovico Lazzarelli, or Colonna's Hypnerotomachia, it is possible to imagine that some unknown work would explain it. Perhaps it has not been found yet, or it has really been lost forever. Still, it is worthwhile to study Sola Busca, maybe it will open like a flower one day to the right touch, or some chance discovery.

Marziano created his trump sequence in two steps. The first was the four moral categories, a purely symbolic design. Each moral category had two parts: four deified heroes, gods, and a suit sequence like in normal cards, which he changed to symbolic birds instead. The next step was to order the 16 gods in a linear hierarchy, from Jove number 1 to Cupid number 16. This second move was the invention of the idea of a trump sequence.

But the hierarchical order of Jove, Juno, Minerva, Venus, Apollo, Neptune, Diana, Bacchus, Mercury, Mars, Vesta, Ceres, Hercules, Aeolus, Daphne, Cupid does not have intuitive logic. After Jupiter and Juno, which naturally should be at the top, it is not clear why one should follow the other. It is not a morally intuitive sequence. It is a by-product of the linear overlay 1 to 16 for the purpose of play.

By contrast, the order of the Tarot trumps does follow a symbolic logic in the hierarchy. From lowest to highest is reasonably clear. This is because there were no numbers on the trumps, so players had to grasp the rank by the iconography and subjects alone. We may suspect that, like Marziano, the creators of the trump sequence imagined the moral programme first, and chose the symbolic subjects to fit. But, differing from Marziano somewhat, they also created it with the game strictly in mind, so that the trumps order had to make sense by itself, players had to be able to figure out what trumped what. Tarot was a refinement of the idea of the trump sequence.

When Minchiate came to be invented, they had to put numbers on most of the cards again, because the logic of the extra cards was not intuitive. Like Sola Busca's trumps, which also have no evident logical order to their subjects.

So the Tarot trumps are unique as a more or less self-explanatory, or self-sustaining, iconographic sequence. This is evidenced by the stability of the order of trumps across the three major “families” of orders. Except for the three moral virtues, the groupings and order of subjects remains essentially intact everywhere. It seems that everybody understood it intuitively in the formative years of players settling on an order of trumps that became dominant in a particular region.




In “con gli occhi et con l'intelletto”, you present (with Marco Ponzi and Thierry Depaulis), and for the first time, a translation, in English, of two texts from the 16th century in which two authors (Francesco Piscina and a anonymous author) give their interpretation of the tarot.



But this is just their point of view, nothing official; so, how is their point of view useful to us and does it inform us about the tarot?


The two 16th century authors were the first to write systematic and thorough interpretations of Tarot. They wrote independently of one another, with different decks, far apart geographically but very close in time. Francesco Piscina wrote in 1565 in Mondovì, using a Piedmontese deck, which has C imagery and trump numbering, as Piedmontese decks still do, but in play follows the Bolognese A order of trumps, with Angel/Judgment the highest trump (although numbered XX, whereas the World is XXI), and where the popes and emperors are equal (if two or more are played to a trick with no higher trump, the last “papot” wins). The anonymous author wrote shortly after 1562, perhaps from Pesaro, using the B order of trumps. Both authors interpret the entire deck of cards, moralizing the meaning of the suits and the trumps. Both authors also interpret the trump sequence as lessons for living a moral life, and, after death, opening the way to heaven to behold the glory of God.

Both descriptions incidentally give us insights about the rules of play in their respective regions.

I wonder how it's helpful to describe these interpretations as “nothing official.” Who would be able to give the “official” interpretation of Tarot, except for the inventors themselves and, to varying degrees, their friends and contemporaries? We have no reason to think that we'll find the inventors' notes or guidebook, as we have for Marziano, so for Tarot we are lucky to have the essays from 125 years after the game was invented, by authors whose mindset differed much less from that of 1440 than ours do from both. Dummett throught that neither interpretation was at all plausible as the original meaning of the trump sequence, but I think that is too easy a dismissal. The original moral meaning must have been similar, even if some of the images and their places in the sequence have to be explained more precisely in context, such as the Chariot, the Traitor, the Lightning, and the World.

There is too much in these two little “discourses” to summarize briefly, so my recommendation is just to read and re-read them.


Following the latest research and the assistance of various specialists from various backgrounds, it has been proposed that “the oldest known and (partially) preserved tarot” is, today (for the moment), the so-called Rotschild tarot; cardss kept in the Louvre Museum.

We only keep eight cards, but I find their style different from the “oldest known and preserved tarots” that follow, including the magnificent Visconti di Modrone tarot. What more can you tell us about this?


The style of the Rothschild cards is distinctive to the artist, who is either Giovanni dal Ponte (died before March 1438) or an imitator. This makes them Florentine, even if other indications were not present. But the spiral SSS borders, which these cards share with the Charles VI, Catania, and Turin decks, is the real “signature” of Florentine provenance. It's not surprising that it would differ from the Bembo workshop Visconti productions, since the Bembos and the Florentine painters have completely different styles. Visconti di Modrone and Brambilla must have been much more expensive than any of the Florentine cards we have. In terms of how the subjects are portrayed, that too is characteristic of the custom-made decks, where the buyer must have had some ideas of what they wanted shown, although it always remains the standard subjects. In Catania, for instance, there is a very unusual portrayal of Temperance, and in the Ercole d'Este deck the vignette below the Sun shows Diogenes and Alexander, which no other style of deck but the Ferrarese shows. Visconti di Modrone was a grandiose expansion of standard Tarot, with two extra female court cards in each suit, and three extra trumps, the set of the Theological Virtues. In my opinion, it had 89 cards, and I think it is the largest deck in the physical sense ever made for play.




Temperance ("Stag Rider") from the so-called "Allessandro Sforza" tarot (1450/1460), kept at the Museo Civico di Castello Ursino of Catania :

"We think the artist of the Catania set is Lo Scheggia, "the Splinter" (Giovanni di Ser Giovanni, 1406-1486, younger brother of Masaccio), who also painted this inner cassone lid.

The picture seems to portray "cooling the fires of desire", which is one way to depict Temperance's purpose.

It could also be Diana, virgin goddess, but if there were a lunar crescent on her forehead to identify her, it is worn off."

(Ross Caldwell's notes)


Do we finally know if the tarot has gone from the street to the Court or if it has gone from the Court to the street?


I wouldn't say we “know,” but I think that the street to the court has a far stronger argument, and it is my opinion. But both happened effectively at the same time. In my view, the people who created the game were some painters and artisans of Florence, with input from other professionals and intellectuals, and they conceived it, made a prototype, played and tested it, until it was good enough to make a version for printing and sale. It was not long before rich customers wanted custom versions for themselves, so the same painters worked on those. We know that one luxury version was made by September 1440 already, and I think this is indirect evidence of it going from the street (of Florence) to the court (Sigismondo Malatesta in Rimini), because the term “naibi a trionfi” indicates something common.


Many still argue that the history of tarot is distant, obscure and unknown, but I disagree. I find her better informed than you might imagine. To find out, I would unreservedly recommend the catalog of the latest exhibition held at the French Playing Card Museum (Issy-les-Moulineaux – end of 2021, beginning of 2022) “Illuminated Tarots, masterpieces of the Italian Renaissance”.

And you ?


Yes, absolutely! We know more about Tarot history than we know about most card games of that period. The rich cards survived because they were valuable and protected, while the common cards were thrown away when the deck was damaged. This is how cards are normally treated, when they are not great miniature works of art.



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